« Maman, encore un bisou » ! Comment résister… Oui, bien sûr (mais mes élèves m’attendent)… A tout à l’heure, ma chérie !
Voiture, ville, parking, quelques centaines de mètres à marcher d’un bon pas… Je suis presque en retard… « Madame, vous êtes en retard »… « Oui, je sais, excusez-moi ! » Sont-ils tous là ? Non, il en manque quelques-uns. Distribution des places, vestiaire, comptage, oui ils sont tous là, escaliers, parterre, sont-ils tous bien installés ? Voient-ils tous bien ? Ouf ! Ca y est ! Collègues chéries à ma gauche, élèves à droite, derrière et au bout de la rangée. Tout va bien.
Les musiciens entrent par petits groupes, s’installent, s’accordent. On papote un peu, nous. GSM coupés… Le premier violon arrive et donne le la… Tous s’accordent… Moment magique qui précède chaque concert. Le chef entre en scène. Quelle allure ! Un chef pailleté, connu, charismatique ! J’adore sa veste et sa manière de se tenir. Le soliste entre à son tour. Vais-je enfin me détendre ?
Oui… Il ne m’aura suffi que de quelques notes pour être transportée dans cette œuvre que je connais mais que j’ai soudain la sensation de redécouvrir. C’est magnifique. Ce qui me touche ce sont les instruments qui se détachent et dont je perçois le chant singulier par rapport à l’ensemble. Ce qui me touche ce sont les voix, les visages, le côté charnel de cette écoute. Rien à voir avec l’audition d’un CD (ou d’une clé usb), non, c’est vivant, ça vibre, cela passe par le corps, léger, massif, les gestes précis sur les instruments, les voix qui émanent de ces corps qui, à cet instant précis, sont entièrement voué à la Musique.
J’aime cette œuvre… Mes grands-parents l’adoraient et j’adorais mes grands-parents… La Musique comme lien avec ceux que l’on aime. Un requiem pour mes chers disparus. Pas de tristesse pourtant. Juste la reconnaissance d’entendre toute cette beauté, ce chant sacré qui touche au sublime et qui me détache de la réalité. Je suis très attentive, en empathie avec l’œuvre… Je trouve l’orchestre magistral.
Ce requiem me touche au plus profond de moi.
L’entracte… Les élèves ont-ils aimé ? Oui, je vois leurs regards illuminés. Ils sont touchés eux-aussi.
J’entre moins facilement dans l’œuvre de Franck, Rédemption, mais je salue le brio de cette mezzosoprano, décrochée au pied-levé le matin-même ! Waouw ! Si cette œuvre me touche moins, je la trouve néanmoins très belle. La partition du violoncelle est magnifique. Il intervient souvent, ce qui me ravit ! Je me laisse surprendre par quelques passages d’une très grande beauté. Je suis touchée, malgré moi transportée. C’est décidemment un superbe concert.
L’orchestre est très applaudi.
La magie est là, nous avons vécu un moment particulier. Nos élèves ont l’air d’avoir beaucoup apprécié et je vois leurs petits visages reconnaissants. Quoi de plus beau pour un professeur ? La suite est banale, nous reprenons, nos manteaux, nous nous saluons, nous assurons que chaque élève est repris pas un parent. Nous rentrons chez nous.
Un baiser sur la joue toute chaude de ma petite fille endormie… La musique de Fauré encore dans ma tête. C’est beau, la vie…